Daech : Viva la Muerte !
Lorsque les djihadistes se sont emparés de Tombouctou, nous rappelle le beau film d’Abderrahmane Sissako , ils ont interdit la musique, la fête, le foot. Leurs sinistres brigades des mœurs patrouillaient dans les quartiers pour surprendre les contrevenants. Les plus chanceux s’en tiraient avec cinquante coups de fouet.
C’est cette même haine de la vie qui inspire les attentats du vendredi 13 novembre. Ce n’est pas céder au délire d’interprétation que de constater que les cibles désignées aux tueurs n’ont pas été choisies au hasard : le Bataclan, pour la musique et la danse, les terrasses conviviales et métissées de l’Est parisien, pour le plaisir et le flirt, le Stade de France pour le sport, cette sournoise idôlatrie.
« Viva la Muerte ! » s’est écrié le général franquiste Milan Astray à l’Université de Salamanque, le 12 octobre 1936, en réponse au philosophe Miguel de Unamuno.
Les assassins de Daech sont mus par la même passion nécrophile : la haine de la vie, du plaisir, de la jouissance, la volonté de détruire, de démembrer, la fascination de la mort et le désir pathologique de la semer.
Au-delà de l’union nationale sur les valeurs humanistes et universalistes de nos démocraties, il faut leur opposer notre amour de la vie et de tout ce qui vit, notre désir de rassembler et de jouir de nos différences, notre revendications du droit au plaisir, au bonheurs simples : boire des coups aux terrasses (mixtes !) des bistrots, écouter du rock ou du Bach, rire de tout – mais pas avec n’importe qui ! -, danser sur tous les rythmes, jouer au ballon, rond ou ovale, et remplir les stades. C’est pour cet art de vivre qu’ils s’en prennent, aussi, à la France.
A leur nécrophilie, il faut opposer notre biophilie. L’idéal de civilisation que les djihadistes de Daech propose à la jeunesse ne peut séduire qu’une infime minorité habitée par la haine de soi et de l’humanité. Ce totalitarisme religieux ne promet pas le meilleur des mondes ici bas, mais 70 vierges dans l’au-delà, à celui qui sera tombé les armes à la main. Il s’impose par l’intimidation et la terreur.
L’idéal de civilisation qu’incarnent nos démocraties, malgré tous leurs défauts, est en tout point supérieur à ce discours de mort et de décomposition. La quasi totalité des musulmans de France l’ont fait leur depuis longtemps et rejettent avec horreur les crimes des djihadistes. Ce que certains d’entre eux reprochent à notre République, c’est la distance qui subsiste entre l’idéal et la réalité, en particulier dans les quartiers déshérités. Ce terrorisme nihiliste vient du Moyen-Orient, où une guerre de trente ans est enclenchée, entre chiites et sunnites, entre sunnites eux-mêmes, entre démocrates des printemps arabes et despotes traditionnalistes. Plus il subit de revers dans le « nouveau Califat », plus il pousse ses métastases en Europe et en Afrique.
Le combat sera long et dur, mais son issue ne fait guère de doute. La démocratie vaincra l’islamo-fascisme. Eros vaincra Thanatos.
Henri Weber,
Directeur des études auprès du premier secrétaire du Parti socialiste, chargé des questions européennes