Garder le cap… en profitant des vents enfin favorables !

Le jeudi 21 mai 2015 17:56

Faut-il « garder le cap », comme l’affirment François Hollande et Manuel Valls, ou bien en changer, comme nous y invitent le Front de gauche et certains socialistes « frondeurs » ?
Mais d’abord, de quel cap s’agit-il ?


La politique économique de François Hollande se résume en trois points : A l’échelle européenne, elle s’efforce de promouvoir une stratégie différenciée de sortie de crise : les pays excédentaires du Nord – et en premier lieu l’Allemagne – doivent relancer leur consommation populaire et leurs investissements pour servir de locomotive à l’Europe. Les pays surdendettés – dont la France ! – doivent s’engager sur une trajectoire de retour à l’équilibre de leurs comptes publics, mais en prenant le temps nécessaire pour ne pas précipiter une récession ou compromettre les chances d’une reprise. Nous y sommes.
Simultanément, l’Union européenne doit mettre en œuvre, à son niveau, un ambitieux programme d’investissements pour favoriser la croissance. Ce second objectif est amorcé, avec le plan Juncker de 315 milliards d’euros, insuffisant mais bien inspiré (les socialistes demandent son doublement), et la politique monétaire expansionniste de la BCE.
En troisième lieu, il faut régler le problème spécifique de la France, celui de sa réindustrialisation. Car, si l’Union européenne souffre d’une faiblesse de la demande, la France connaît une sérieuse carence d’offre, qui se lit dans les chiffres de son commerce extérieur : moins 60 mds € en 2014, quand l’Allemagne enregistre un excédent de 214 mds !
En réalité, notre pays a connu un brusque affaissement de son industrie: sa part dans la valeur ajoutée est passée de 18% en 2000 à 11% en 2014, rétrogradant la France à la 15ème place - sur 18 – des pays de la zone euro, derrière l’Allemagne (26%), mais aussi la Suède (21%), l’Italie (18%) et même désormais l’Espagne et la Grande-Bretagne !  Cette contre-performance s’est produite malgré une progression constante de la dépense publique (57,2% du PIB) et de la dette souveraine (qui atteindra 100% du PIB en 2017 !).
La réindustrialisation de la France est un objectif fondamental pour les socialistes, car sans une base industrielle solide, nous ne pourrons pas financer notre modèle social, l’un des plus généreux du monde, reconquérir le plein emploi, réussir notre transition écologique, retrouver notre souveraineté face aux marchés financiers, promouvoir la société du bien-vivre.
L’affaissement de notre industrie a des causes multiples qu’il faut traiter simultanément : la médiocre spécialisation, sectorielle et géographique, de notre économie, qui rend nos produits vulnérables à la compétitivité-prix ; l’insuffisance de la recherche ; les carences de notre système de formation professionnelle, initiale et pour adultes ; la piètre qualité des relations entre partenaires sociaux ; les rapports conflictuels entre donneurs d’ordre et sous-traitants, entre PME et établissements financiers ; la surévaluation de l’euro, entre 2005 et 2015… A toutes ces raisons s’ajoutent la chute du taux de marge d’exploitation des entreprises à un plus bas historique de 28% en 2012 (20% pour les PME et ETI), contre 40% en Allemagne. Et des obstacles législatifs, réglementaires, juridiques, à une meilleure allocation des ressources, alors que la troisième révolution industrielle bat son plein.
Exposées à une concurrence acharnée, beaucoup de PME et d’ETI françaises ont choisi de réduire leurs prix pour conserver leurs parts de marché, plutôt que d’investir et d’innover. Le gouvernement a donc eu raison d’agir pour améliorer leurs marges et leur environnement économique.
Aujourd’hui, on assiste à une forte remontée des marges, notamment dans l’industrie, grâce à l’amélioration de la conjoncture mais aussi des premiers effets du CICE et du Pacte de responsabilité. Mais à 31% on est encore loin de l’Allemagne.
Il faut garder le cap et profiter des vents enfin favorables pour accélérer l’allure. Le gouvernement le fait en renforçant l’investissement public (cf le plan de 535 millions € de soutien aux PME) et privé, par diverses mesures d’incitations fiscales détaillées par le Premier ministre. En soutenant simultanément la demande : 9 millions de ménages ne paieront plus l’impôt sur le revenu en 2015, les salaires ont augmenté en 2014, selon l’INSEE ; la pente du retour à l’équilibre budgétaire, renégociée à Bruxelles, a été à nouveau adoucie jusqu’en 2017. Renforcer l’investissement dans les industries d’avenir et les compétences, en France et en Europe, voilà le cap qu’il faut tenir en employant les nouvelles marges que nous donne la reprise.

Henri Weber, directeur des études auprès du Premier secrétaire du Parti socialiste.