Intervention Poitiers

Le jeudi 4 juin 2015 17:49

Chers camarades, chers amis,

Les socialistes ont perdu les élections européennes, il y a 10 socialistes à la Commission européenne sur 29, 14 PPE, 4 libéraux, mais leurs analyses et leurs propositions ont marqué des points. Le mérite en revient en partie à nos vaillants députés mais aussi aux leçons de la réalité.

La politique austéritaire conduite par la droite depuis 2008 a été un échec cinglant, elle a mené l’UE au bord de la déflation. Dès lors, nos propositions alternatives ont rencontré un certain écho. J’en souligne six exemples :
1) Notre stratégie différenciée de sortie de crise s’est peu à peu imposée : les Etats excédentaires d’Europe du nord, et en premier lieu l’Allemagne, disions-nous, doivent relancer leur consommation populaire et leurs investissements pour servir de locomotive à l’Europe.
Les Etats surdendettés - dont la France ! - doivent s’engager sur une trajectoire de retour à l’équilibre de leurs comptes publics, mais en prenant le temps nécessaire, pour ne pas sombrer dans la récession ou compromettre les chances d’une reprise.
Nous y sommes : l’Allemagne a institué un smic horaire de 8,50 € depuis janvier, les salaires y augmentent de 3% par an, le chômage y est tombé en dessous de 5%.
La France a obtenu par deux fois des délais supplémentaires pour revenir sous la barre des 3% de déficit budgétaire, que nous atteindrons en 2017.

2) La Banque centrale européenne a élargi ses missions, comme nous le demandions depuis 10 ans. Elle conduit désormais une politique monétaire expansionniste et rachète chaque mois pour 60 milliards d’€ d’obligations d’Etat. Les taux d’intérêt sont, en conséquence, tombés au plus bas dans la quasi totalité des pays de l’Union et la parité euro-dollar est redevenue favorable à nos exportations.

3) L’Union bancaire a été instituée et supervise 6000 banques européennes.

4) La nouvelle Commission a fait de la relance de la croissance par l’investissement sa priorité. C’était la condition du vote des socialistes pour Jean-Claude Juncker à sa présidence. Un plan stratégique d’investissement de 315 milliards a été décidé. Ils seront investis en trois ans dans les secteurs de l’énergie, du numérique, mais aussi de l’éducation, de l’apprentissage et de la recherche.
Les socialistes européens exigent le double, à juste raison, mais commençons par consommer les crédits existants, ce qui est loin d’être le cas.

5) Les pouvoirs du Parlement européen ont été étendus : il est co-décisionnaire, par exemple, sur les Traités commerciaux internationaux : si le Traité de commerce transatlantique – le TAFTA – ne lui convient pas, il le rejettera. Comme le rejetteront le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement et nos Parlements nationaux, également  appelés à le ratifier.

6) L’idée d’une construction différenciée de l’Union européenne, que nous défendons depuis François Mitterrand, s’est également imposée : le premier cercle est l’Eurozone, qui doit accélérer son harmonisation fiscale et sociale et se doter d’une organisation et d’un budget spécifiques.
Le second est la grande Europe à 29. Le troisième est le pourtour européen, les Etats du voisinage proche, qui mêle la Turquie, l’Ukraine, le Maghreb.

Chers camarades,
Qui peut dire que notre stratégie de réorientation de la construction européenne n’a pas eu de résultats ?  François Hollande a eu raison, en juin 2012, de préférer à l’épreuve de force avec nos partenaires, une stratégie des petits pas, correspondant aux rapports de force d’alors, et qui nous a permis de progresser dans la bonne direction.

Aujourd’hui, il faut accélérer et amplifier :
-    S’agissant de la stratégie différenciée de sortie de crise, il faut rallumer le moteur de l’investissement, au niveau national et continental.
-    Il faut, en second lieu, parachever l’Union bancaire en instituant au plus vite son troisième volet, qui est la garantie des dépôts, jusqu’à 100 000 € ! Il faut protéger les épargnants des effets d’une nouvelle crise financière…
-    Il faut transformer la BCE en Banque centrale complète, comme la FED américaine, payeur en dernier ressort, et soucieuse de la croissance et de l’emploi, autant que de la stabilité de l’euro.
-    Il faut mettre en œuvre au plus vite le Plan stratégique d’investissements européens, dit « Plan Juncker », et diversifier ses financements : L’Union européenne doit se doter de ressources propres, renforcer les capacités de la Banque européenne d’investissement – la BEI -, développer les obligations européennes dédiées à des projets – les Euro-projects.
-    L’Europe doit devenir le continent pionnier de la transition écologique.
-    Elle doit veiller à sa démocratisation, en associant les Parlements nationaux aux décisions dans le cadre de la conférence inter-parlementaire.

Chers camarades,
Jamais le besoin d’Europe n’a été aussi impérieux, et jamais l’euroscepticisme, l’eurodéfaitisme, l’europhobie n’ont été si élevés. C’est la sanction de deux décennies de politiques libérales qui ont fait de notre Union une zone de croissance molle, de chômage dur et de précarité étendue.
Notre bataille prolongée pour la réorientation de l’Europe vise à inverser ce cours. C’est l’intention de notre gouvernement et ce doit être le combat de tous les socialistes européens, dont nous allons retrouver les dirigeants dès jeudi au Congrès du PSE, à Budapest.