Après Macron, il n'y aura pas d'espace pour les aventures hors PS. Publié dans Marianne
Dans le cas, souhaitable et probable, d’une large victoire d’Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle, comment se présentent les législatives de juin ? Trois scénarii – un rose, un noir, un gris – s’offrent à notre sagacité, chacun avec son indice de probabilité :
Raz de marée macroniste
Le premier est celui de la « vague néo-centriste », auquel croit Emmanuel Macron. « Si les électeurs m’élisent président de la République, répète le premier marcheur de France, ils vont me donner dans la foulée les moyens politiques de gouverner. C’est une loi non écrite de la Vème République dont je vais bénéficier, comme en ont bénéficié avant moi François Hollande et Nicolas Sarkozy ». Cette conviction se fonde sur le changement de dimension et d’image que confère une victoire dans « la mère de toutes les batailles » à celui qui l’a remportée. Dans le cas de Macron, l’exploit a été particulièrement brillant et devrait donc être particulièrement valorisant. Le nouvel hôte de l’Elysée espère bien faire élire au moins 289 députés En Marche à l’Assemblée nationale, et disposer ainsi de la majorité absolue qui lui permettra d’appliquer son programme tambour battant. C’est pourquoi il refuse, jusqu’à présent, toute négociation avec les dirigeants des partis traditionnels, en vue d’un accord de gouvernement assorti d’une répartition équitable des sièges.
Cohabitation avec la droite
Le second scénario est celui, au contraire, de la revanche de la droite débouchant sur la cohabitation. Privée d’une victoire, qui, cet automne encore, s’annonçait aussi certaine que massive, la droite refait son unité sous la houlette d’un quinqua sarkozyste et se lance furieusement à l’assaut des circonscriptions. Elle obtient d’autant plus facilement la majorité absolue au Parlement que la gauche se présente en ordre dispersé aux élections et que les candidats lepénistes sont assurés de figurer au second tour dans de nombreuses circonscriptions. Si, dans chacune d’entre elles, s’affrontent un candidat En Marche, un Insoumis, un socialiste ou écologiste, plus les francs tireurs du PCF et des Verts, beaucoup n’atteindront pas la barre de 12,5% des inscrits, (soit entre 15% et 20% des exprimés), nécessaire pour se maintenir au second tour. Beaucoup parmi les rescapés devront se retirer pour faire barrage au candidat FN en situation de gagner.
Cette conjonction – unité et ardeur revancharde de la droite, fragmentation de la gauche, puissance du FN-, permettrait l’élection d’une Chambre bleue, plus massive encore que celle de juin 1968, rêvent les sarkozystes. Le nouveau président de LR s’installerait à Matignon, à la tête d’un gouvernement de la droite et du centre, pour mettre en œuvre la politique néo-thatchérienne défendue par tous les champions de la droite au cours de leurs primaires. La probabilité de ce scénario me semble faible, car la lourde défaite de François Fillon peut démoraliser et démobiliser une grande part de l’électorat de droite aux législatives.
Majorité introuvable
Le troisième scénario, à mes yeux le plus probable, est celui de la fragmentation et des coalitions : chaque grand parti obtient son groupe parlementaire, la « vague centriste » attendue par Emmanuel Macron n’est pas le tsunami qu’il espérait. Beaucoup d’électeurs qui l’ont porté à l’Elysée ont voté pour lui par défaut, plutôt que par adhésion, pour éviter le duel mortifère Le Pen-Fillon ou le cauchemar Le Pen-Mélenchon. Aux élections législatives, ils se reporteront sur le candidat de leur famille politique d’origine, surtout s’ils n’ont rien à lui reprocher, plutôt que sur un(e) inconnu(e) désigné(e) par Paris.
Le parti du président, disposera donc d’un groupe parlementaire, mais pas de la majorité à l’Assemblée. Il lui faudra trouver des alliés pour bâtir sa majorité gouvernementale. C’est là que le Parti socialiste retrouve son utilité, s’il n’est pas trop malmené aux législatives. Beaucoup de ses électeurs voudront compenser leur vote Macron à la présidentielle en envoyant des députés socialistes au Parlement, afin d’infléchir à gauche la politique du nouveau Président. La coalition majoritaire ne pourra se faire qu’avec ces élus de « la gauche de gouvernement ».
Les députés insoumis et les socialistes ex-frondeurs incarneront l’opposition de gauche à la nouvelle majorité gouvernementale, les groupes LR et FN son opposition de droite et d’extrême droite. S’il ne dispose pas d’une majorité « En Marche », Emmanuel Macron sera condamné à rechercher une coalition du centre-droit - démocrates-chrétiens, gaullistes sociaux - ; et du centre-gauche – sociaux-démocrates, radicaux, écologistes - , sur la base d’un accord politique. Au PS, la question de l’attitude vis-à-vis du nouveau Président et de son gouvernement deviendra la nouvelle pomme de discorde, et possiblement, de fracture : soutien avec participation, soutien sans participation, opposition systématique ou au cas par cas ?
Risque d'une scission au PS
L’aile gauche du PS acceptera-t-elle d’être partie intégrante d’une alliance entre le PS et le centre « macronien » ? Ou bien fera-t-elle scission pour s’intégrer à l’opposition ? L’aile droite acceptera-t-elle de s’investir dans la « quatrième refondation » du Parti socialiste (la troisième a eu lieu en 1969-1971 et a ouvert le « cycle d’Epinay ») ou bien voudra t-elle courir, en toute indépendance, sa propre aventure ? Le problème des partisans de la scission, de gauche comme de droite, au sein du Parti socialiste, c’est qu’ils n’ont pas beaucoup d’espace pour faire prospérer leur velléité d’autonomie. A gauche, la « France insoumise » va solidement occuper le terrain, sous la poigne de fer de son despote aimé et éclairé, Jean-Luc Mélenchon. Au centre, le président Macron, fort de sa victoire, construira méthodiquement un « parti entreprise », dont il sera le patron de droit divin.
Instinct de survie et relève générationnelle obligent, le PS se lancera dans une totale refondation, « de la cave au grenier » : rénovation théorique, programmatique, organisationnelle et de sa stratégie d’alliance. Il n’y aura pas d’espace pour les aventures artificielles dans notre champ politique encombré, et les éventuels aventuriers s’en apercevront rapidement.