Non, le Parti Socialiste ne va pas imploser après la primaire. Publié dans le Huffington Post

Le mardi 31 janvier 2017 11:30

Certes, beaucoup de parlementaires, d'élus, de militants, habités par le sens des réalités et des responsabilités, sont sensibles aux sirènes d'Emmanuel Macron.

http o.aolcdn.com hss storage midas d077b31b31f6c8f53c8d78757d2b81ad 204874939 RTX1WZOZQuelle est la signification de l'ample victoire de Benoît Hamon à la primaire de la gauche de gouvernement? Quelles leçons en tirer? Quelles conséquences aura-t-elle sur l'avenir du parti socialiste et de la gauche?

 

La sanction du quinquennat Hollande

Une majorité d'électeurs de gauche a voulu sanctionner le quinquennat de François Hollande, tourner la page de 5 années d'exercice du pouvoir, dans des conditions particulièrement difficiles –rechute européenne dans la crise économique en 2011, terrorisme djihadiste, crise des migrants... L'inversion tardive de la courbe du chômage n'a pas compensé les 600.000 demandeurs d'emploi supplémentaires enregistrés depuis juin 2012 et les 8 millions de Français vivant sous le seuil de pauvreté.

 

Manuel Valls a payé le prix de cet échec, comme Nicolas Sarkozy avait payé le prix des 700.000 chômeurs supplémentaires engrangés entre 2002 et 2012, sous les gouvernements de le droite. Sa conduite exemplaire dans la lutte contre le terrorisme islamiste et la défense de l'identité républicaine n'a pas compensé l'échec des gouvernements socialistes sur le front de l'emploi.

 

Irréalisable, le programme de Benoît Hamon permet de ré-enchanter la gauche

Au-delà de cette volonté de sanction, beaucoup de sympathisants socialistes sont fatigués de l'exercice du pouvoir central en période de vaches maigres, de migration forte, d'attentats aveugles et meurtriers. Ils aspirent à retrouver un "Grand dessein", un majestueux projet de transformation sociale, qui rompe avec ce qui leur paraît être un pragmatisme gestionnaire sans envergure. Benoît Hamon a intelligemment répondu a cette demande d'utopie, de rêve, d'idéal. Ses propositions phares –le revenu universel à 300 milliards d'euros, en vitesse de croisière; la transition écologique à pas de géant; l'accueil généreux des immigrés et des réfugiés, dessinent un au-delà de l'ordre existant, une figure d'un "futur désirable". Peu importe à nombre de militants et de sympathisants, à ce stade, que ce programme soit "irréalisable et infinançable", comme l'a dit et répété Manuel Valls. Il n'est pas fait pour être appliqué ni financé. Sa fonction est de ré-enchanter la gauche, réaffirmer son identité, afin de la mobiliser et de la recomposer.

 

Une scission entre gauche de gouvernement et gauche utopique ?

Cette victoire de la gauche utopique sur la gauche de gouvernement va-t-elle déboucher sur une scission du parti socialiste? C'est possible mais c'est peu probable. Beaucoup de parlementaires, d'élus locaux, de militants, habités par le sens des réalités et l'esprit de responsabilité, sont sensibles aux sirènes d'Emmanuel Macron. Si la dynamique d' "En Marche!" ne se dément pas après la publication de son programme et si le candidat du PS ne recherche pas le rassemblement de sa famille politique, la migration de ces responsables et de nombreux électeurs s'amplifiera. Gageons que Benoît Hamon saura trouver les mots et les gestes pour minimiser ce flux. Il l'a fait déjà sur le Revenu universel, en étalant son application dans le temps, sur plusieurs quinquennats, et en la limitant dans l'immédiat à une augmentation à 600 euros du RSA et à sa concentration sur les 18-25 ans, ce qui la rapproche du "revenu décent sous conditions de ressources", préconisé par Manuel Valls.

Le soufflé Macron peut aussi retomber, lorsque son maître-queue sortira de l'ambiguïté en révélant ses propositions-clés, fin février; et plus encore, s'il échoue à figurer au second tour de l'élection présidentielle, en mai prochain. Problématique et incertain demeure l'avenir de son mouvement. Une majorité d'élus socialistes hésitera donc à "partir courir l'aventure", comme disait Léon Blum, en 1921, d'autant qu'on leur a clairement signifié, en haut lieu, qu'ils n'étaient pas, pour la plupart, les bienvenus. Beaucoup préféreront rester dans la "vieille maison", assurés qu'un gouvernement Fillon fera moins bien que les gouvernements Hollande et sera vite aussi impopulaire, sinon plus. Ayant "viré à gauche" et renouvelé ses cadres, pensent-ils, le PS dans l'opposition regagnera, d'élections en élections, ses positions territoriales et nationales, avant d'attaquer en bonne forme la Présidentielle de 2022.

Une rénovation totale du parti socialiste "de la cave au grenier"

A ceux-là il faut proposer, comme en 1971 à Épinay, une rénovation totale de l'édifice socialiste, "de la cave au grenier": rénovation théorique, car il faut bien comprendre le nouveau monde dans lequel nous sommes entrés; rénovation programmatique, car il faut apporter des réponses nouvelles aux grands défis auxquels nous sommes confrontés; rénovation organisationnelle, car il faut inventer un parti adapté à la société des individus et à la démocratie médiatique et numérique; rénovation des pratiques militantes, enfin, car il faut mieux associer les citoyens à l'élaboration et au contrôle des décisions qui les concerne.

Qui, à gauche, est capable de mobiliser 2 millions d'électeurs, dans 7500 bureaux de vote, tenus par 60.000 militants?

De la capacité du Parti socialiste à engager et à réussir sa refondation, dépend son aptitude à recomposer et à rassembler le camp progressiste, durablement scindé désormais en quatre fragments: En Marche!, Front de gauche, Europe Ecologie-Les Verts, et bien entendu le Parti socialiste, toujours bien vivant comme l'atteste le succès de sa primaire: qui, à gauche, est capable de mobiliser 2 millions d'électeurs, dans 7500 bureaux de vote, tenus par 60.000 militants?

Les débats initiés à l'occasion de la primaire de la Belle Alliance Populaire, ceux qui vont suivre au cours de la campagne présidentielle, se poursuivront au lendemain du scrutin, quelle qu'en soit l'issue. Ils participent de la nécessaire recomposition de la gauche, en France et en Europe.