Pourquoi Emmanuel Macron n’accédera pas au pouvoir suprême. Publié dans Libération
Le vendredi 18 novembre 2016 15:13
Pour le socialiste Henri Weber, le fondateur du mouvement En Marche a beaucoup de qualités, mais il ne répond à aucune des trois conditions nécessaires pour accéder à la magistrature suprême : expérience, compétence et capacité de rassemblement
Dans notre monarchie républicaine, le peuple souverain consent à déléguer le pouvoir suprême à celui ou à celle qui le brigue, sous trois conditions.
En premier lieu, il doit détenir la compétence, avérée par ses performances : avoir exercé, avec (un relatif) succès, des responsabilités politiques de haut niveau : ministre régalien, numéro un d’un parti de gouvernement, maire de grande ville, président de département…. et de préférence plusieurs de ces fonctions.
Mais l’expérience et le professionnalisme ne suffisent pas : Il faut encore – seconde condition – qu’il ait fait la preuve d’une force de caractère hors du commun, en ayant surmonté des épreuves personnelles qui auraient suffit à détruire un homme ou une femme robustes mais normalement constitués : l’Affaire de l’Observatoire pour François Mitterrand (1959), l’Affaire Marković pour Georges Pompidou (1969), la longue mise en quarantaine de Nicolas Sarkozy après sa trahison de Jacques Chirac au profit de Balladur (1995-2000)…
Mais le candidat crédible à la magistrature suprême ne doit pas seulement être expérimenté, compétent et résilient : il doit aussi – troisième condition – être capable de rassembler largement les siens, de faire l’unité de sa famille politique et de son camp. C’est à ces trois conditions que les électeurs sont disposés à lui déléguer le pouvoir suprême. Cette loi se vérifie évidemment dans le cas de De Gaulle, mais aussi de Pompidou, Mitterrand, Sarkozy et même de François Hollande. Certes, ce dernier n’a jamais été ministre car François Mitterrand ne voulait pas de couple dans ses gouvernements. Mais il a conquis de haute lutte et présidé un fief chiraquien, la Corrèze ; et fut douze années Premier secrétaire du Parti Socialiste, et à ce titre étroitement associé au gouvernement de Lionel Jospin.
En matière d’épreuve personnelle, il a eu son lot en 2005-2007. En 2012, il a su rassembler les courants du PS et les partis de gauche pour la reconquête du pouvoir. Valéry Giscard d’Estaing présente la seule exception à la règle. Il lui a manqué la condition n°2, celle de l’épreuve personnelle à haute intensité. Aussi les Français le prirent rapidement en grippe, et s’abstinrent de le reconduire en 1981.
Emmanuel Macron a beaucoup de qualités, mais il ne répond à aucune des trois conditions canoniques énoncées ci-dessus. L’avenir nous dira si ces règles – qui ont leur logique – sont devenues obsolètes et si l’attrait de la nouveauté et de la séduction personnelle suffisent désormais pour accéder à la Présidence de la République dans notre pays. Personnellement, j’en doute, et à mon avis, le principal intéressé n’y croit pas trop non plus. Comme beaucoup de candidats à la présidentielle, il a fait un trait sur 2017 et a en ligne de mire l’échéance de 2022. Son objectif, à cette fin, et de recomposer le champ politique en donnant un nouveau visage au Centre. C’est pourquoi François Bayrou ne décolère pas et ne le ménage pas dans ses propos.
Dernier ouvrage paru : Éloge du compromis – éditions Plon, Paris, septembre 2016.