Avant la mère des batailles : Refuser Gribouille !

Les  interlocuteurs estivaux de François Hollande –politiques, journalistes, experts…-, sont unanimement frappés par sa gravité, mais aussi par sa sérénité, malgré l’avalanche des mauvais sondages et l’accumulation de noirs nuages dans le ciel de la rentrée. Optimisme de façade – il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur … -, ou conviction qu’après la séquence calamiteuse des six premiers mois de 2016 – semestrium horribile ! -, une nouvelle séquence politique  va s’ouvrir qui permettra de rebattre les cartes.
Avec la bataille de l’élection présidentielle, engagée fin aout, les Français auront à choisir entre quatre offres politiques, claires et tranchées : Il y a celle de l’extrême-droite, nationaliste, autoritaire et xénophobe. L’application, même partielle, du programme de Marine Lepen plongerait notre pays dans un chaos profond. Il y a celle des divers candidats de L.R. à la primaire de la droite, engagés, tous autant qu’ils sont, dans une sur-enchère ultra libérale, ultra sécuritaire, ultra identitaire. «  Cette course à l’échalote me consterne, avoue  Henri Guaino - ; c’est à qui sera le plus thatchérien ! » .C’est à qui supprimera le plus de postes de fonctionnaires  - 300 000 ? 500 000 ? 1 million (Bruno Lemaire) ? – qui réduira le plus la dépense publique – 85 milliards, 100 milliards, 130 milliards ? – qui amputera le plus le code du travail et les progrès sociaux engrangés au cours du dernier demi siècle.
La même surenchère oppose les douze candidats sur les plans politiques et sociétal. Dans la lutte contre le terrorisme djihadiste, ils ont rompu le consensus qui prévalait jusqu’au massacre de Nice, le 14 juillet 2016 : préserver l’union nationale dans la guerre contre le terrorisme, faire prévaloir la raison sur l’émotion, concilier fermeté républicaine et respect de l’Etat de droit ; refuser les dérives qui ont mené les Etats-Unis de Bush au « Patriot Act » et à « Guantanamo ». Le très injuste procès en passivité intenté au gouvernement de Manuel Valls et à son ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, au lendemain du 14 juillet, prépare le terrain a des projets ultra-sécuritaires, tels l’enfermement préventif des « fichés S », ou le rétablissement et l’élargissement des peines plancher . Sur le plan sociétal, Nicolas Sarkozy a retrouvé le nationalisme maurassien qu’il professait du temps où Patrick Buisson était son mentor, et à repris sa charge obsessionnelle contre Mai 68, responsable de tous nos maux. « Ici, c’est un pays chrétien dans sa culture et dans ses mœurs » s’est il écrié à Saint-André Lez Lille, réaffirmant son intention de supprimer les menus de substitution dans les cantines scolaires.. Ses compétiteurs ne sont pas en reste !
Ultra-libérale sur les plans économique et social , ultra-sécuritaire et « identitaire » sur le plan politique, passablement rigoriste sur le plan sociétal, « la droite revient… et elle prévient ! » alerte Jean-Christophe Cambadélis. « Tout dire avant pour tout faire après «  confirme Nicolas Sarkozy dans son livre –programme.
 
Jean-Luc Mélenchon, qui sera sans doute le candidat de la gauche de contestation, incarne la troisième offre. Le leader du Front de gauche préconise désormais « la sortie de tous les traités européens », celle aussi pour faire bonne mesure, du nucléaire. Il avance un programme social envisageable au temps des « trente glorieuses », lorsque la croissance économique était à 5 % par an et que nous vivions en économie fermée. Son objectif est de passer devant le candidat du PS, non de conquérir l’Elysée, qu’il sait, quoiqu’il en dise, hors de sa portée.
 
Les électeurs de la gauche radicale et les « déçus du hollandisme », se comporteront-ils en gribouilles de la politique ? Pour éviter la bruine social-démocrate se jetteront-ils dans le fleuve ultra-libéral, autoritaire et nationaliste ? Oublieront ils la leçon de 2002 : « la dispersion c’est la disparition », aujourd’hui plus actuelle que jamais ? On peut espérer, qu’au terme de la   confrontation électorale, ils n’en feront rien et se ressaisiront.
La quatrième offre est celle de la « gauche de gouvernement » incarnée aujourd’hui par la « Belle Alliance Populaire » : éco-socialiste et européenne. François Hollande sera sans doute son champion. Le bilan de son quinquennat sera réévalué à la lumière du débat avec ses compétiteurs et de ses derniers résultats. Son programme sera celui de la social-démocratie de ce jeune XXIème siècle : réindustrialiser la France pour préserver son modèle social et sa civilisation ; son rang de « puissance d’influence » dans le monde, aussi, tant il est vrai que sans une base économique solide, la capacité de projection militaire ne suffit pas. Protéger les français et les européens contre le terrorisme djihadiste dans le respect de nos valeurs et de l’Etat de droit. Réformer et réorienter l’Europe, réussir sa transition écologique et numérique. Relancer le dialogue et la négociation avec les partenaires sociaux, malgré la régression récente, car il n’y a pas d’autre méthode de modernisation démocratique de nos sociétés. Faire vivre le compromis d’adaptation progressiste à la mondialisation et à la troisième révolution industrielle, celle des BNIC – bio technologies, nano technologies, numérique de nouvelle génération, intelligence artificielle... Ce pacte social d’un type nouveau, diffère des compromis sociaux-démocrates offensifs ou défensifs du siècle dernier, en ce que son objet va au delà d’une plus juste répartition de la richesse produite et de l’amélioration des conditions de travail et de vie des salariés. Son enjeu principal est l’instauration d’un nouveau mode de production, de consommation, d’existence. L’intérêt bien compris de la classe ouvrière et des classes moyennes salariées, en France et en Europe, c’est de réussir cette mutation économique, sociale et sociétale. Et pour cela, d’accepter de s’en faire les artisans.
Confrontés à ces quatre offres, claires et tranchées, les français décideront au terme d’un débat dont l’issue est plus ouverte qu’il n’y paraît.
 
Henri Weber
Directeur des études auprès du premier secrétaire du Parti socialiste,
chargé des questions européennes.