L'Union européenne survivra au Brexit
Ma position sur le "Brexit" tient en deux points.
Premièrement je ne le souhaite pas; deuxièmement elle ne me fait pas peur.
L'Union européenne survivra en effet à un départ des Anglais -nul ne sait ce que feront les Écossais!- malgré les sérieux remous qu'un pareil coup de Trafalgar ne manquerait pas de provoquer. La livre va dévisser, les bourses vont plonger, les parités monétaires vont s'affoler... Les partis d'extrême droite vont exiger de leurs gouvernements qu'ils organisent à leur tour un référendum....
Mais je ne crois pas à la contagion d'un séparatisme anglais. Les peuples européens sont très remontés -non sans raison!- contre l'Europe telle qu'elle va, depuis une quinzaine d'années. Ils ne sont pas assez niais toutefois pour croire que le repli de chacun sur son pré carré national est une alternative préférable, dans notre monde d'Etats-Continents et de multinationales géantes. Même les grecs, électeurs de Tsipras, ont préféré, réflexion faite, rester dans l'Union européenne et la zone-euro, malgré les médecines de cheval que la "Troïka" leur a infligé. Chacun le sait ou le pressent: aucun des grands défis auxquels nous sommes confrontés, en ce jeune XXIème siècle, n'a de réponse principalement nationale: ni la régulation de la finance folle, ni la lutte contre le réchauffement climatique, ni la maîtrise des flux migratoires, ni l'éradication du terrorisme djihadiste, ni la pacification de notre environnement proche... Tous requièrent l'articulation de réponses nationales, européennes et mondiales.
Quel que soit le résultat -incertain- du référendum du 23 juin, les pro-européens devront reprendre l'initiative. Il leur faut d'abord répondre à l'urgence: mettre en œuvre le plan en cinq points proposé par la commission pour accueillir, répartir, intégrer les réfugiés. Plan rejeté par cinq Etats-membres et ignoré par d'autres.
Urgence aussi la lutte contre la déflation et pour une nouvelle croissance. Le plan d'investissement européen dit "plan Juncker" a été beaucoup persiflé, mais à ce jour, 100 milliards d'euros ont été investis, sur les 315 programmés, dont 27 en France. Il faut doubler cet effort, comme le demandent, depuis le début, les socialistes européens.
A l'heure où les taux d'intérêts sont historiquement bas, voire négatifs, il faut investir massivement dans les réseaux énergétiques, numériques et de transports; les industries d'avenir, portées par les BNIC - biotechnologies, nano-technologies, seconde vague de l'informatique (objets connectés, 3 D, Big data...) intelligence artificielle; mais aussi dans la matière grise, notre bien le plus précieux: éducation initiale et pour adulte, Recherche, culture...
À moyen terme, il faut réparer les vices de construction initiaux de l'Union européenne et de la zone-euro: élargir les missions de la BCE, pour en faire une banque complète, semblable à la FED américaine; parachever l'Union bancaire en sécurisant les dépôts des épargnants; doter l'Europe d'un budget digne de ce nom -aujourd'hui il est inférieur à 1% du PIB européen!- en le dotant de ressources propres. Organiser la zone-euro, en lui donnant son Parlement, son budget, son ministre de l'économie et des finances. En harmonisant aussi vers le haut sa fiscalité et sa protection sociale.
Il faut enfin démocratiser l'ensemble en renforçant les pouvoirs du Parlement européen et sa coopération avec les Parlements nationaux.
Nous sommes depuis longtemps partisans d'une stratégie différenciée de la construction européenne. Les Etats-membres qui veulent aller plus vite et plus loin dans le sens de l'intégration doivent être encouragés à le faire.
François Mitterrand proposait dès 1992 une Europe des "cercles concentriques": le premier regroupait les Etats fondateurs et quelques autres, de même niveau de développement économique et politique: c'était l'Union européenne. Le second accueillait les pays de l'Est, nouvellement arrivés, ainsi que ceux des Etats-membres, qui ne souhaitaient pas aller plus loin que le "grand marché". Il l'appelait la Confédération européenne. Le troisième cercle se composait des pays du "pourtour européen", avec lesquels l'Union et la confédération devaient nouer des rapports privilégiés: Turquie, Norvège, Ukraine...
Il appartient au peuple anglais de décider s'il veut passer du premier cercle au troisième. Cette involution lui coûterait cher et déstabiliserait l'Europe. Elle ne la désagrégerait pas, malgré la montée des nationalismes xénophobes en son sein, si nous savons réconcilier les peuples avec le projet européen, en délivrant des résultats.