Mélenchon n'appellera pas à voter Macron pour garder pour lui ses millions d'électeurs populistes. Publié dans le HuffingtonPost

Il en a trop besoin, en juin, pour engranger un maximum de députés aux élections législatives.

http o.aolcdn.com hss storage midas 6c2cc1925fbc24492d41902a08047795 205195266 RTS13LHSPourquoi, contrairement à l'éthique républicaine, Jean-Luc Mélenchon n'a-t-il donné aucune consigne de vote pour le second tour de l'élection présidentielle, face à Marine Le Pen, dimanche 23 avril?

 

Pourquoi s'enferre-t-il depuis lors dans un silence de plomb alors que la candidate du FN est repartie à l'offensive et se trouve désormais créditée par les sondages –dont on a vu qu'ils ne se trompaient pas!– de 41% des intentions de vote (+2 en deux jours)? "C'est parce qu'il a été ulcéré par le résultat du vote, qui l'a placé en quatrième position alors qu'il se voyait déjà disputer la finale", disent ceux qui pensent que la psychologie est la clé de tout comportement. Son éviction de la "mère des batailles" l'aurait littéralement rendu aphone.

 

Cette explication a peut-être sa part, à mon avis minime, de vérité. Mais la raison majeure de la rupture de Jean-Luc Mélenchon avec la tradition antifasciste de discipline républicaine est ailleurs. Elle est d'abord et avant tout politique.

 

Au populisme d'extrême droite incarné par Marine Le Pen, xénophobe, ultranationaliste, antimusulman, le leader des "Insoumis" a opposé un populisme d'extrême gauche. Ceux, nombreux, qui sont très en colère, ont trouvé dans sa personne et dans sa campagne un moyen d'exprimer leur révolte, plus digne que celui que leur offrait la candidate du Front national et plus visible que le refuge dans l'abstention. Beaucoup d'électeurs, actuels ou potentiels, du Front national, et plus encore d'abstentionnistes ordinaires se sont portés sur son nom.

 

Ceux-là ne partagent pas la culture et le réflexe du front républicain. Ils sont plus sensibles au clivage "peuple-élites", "ceux d'en bas" contre "ceux d'en haut", "société fermée" contre "société ouverte" au clivage traditionnel "droite-gauche". Ils ne sont pas disposés à voter Emmanuel Macron pour faire barrage à Marine Le Pen. Dans la hiérarchie de leur détestation, le leader d'En Marche l'emporte sur la patronne du Front national. D'après l'institut Elabe, 16% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon s'apprêtent à voter Marine Le Pen le 7 mai, 39% à s'abstenir. Mélenchon ne veut pas décevoir et perdre les millions d'électeurs populistes qui se sont portés sur son nom pour faire entendre leur cri de colère. Il en a trop besoin, en juin, pour engranger un maximum de députés aux élections législatives.

Voilà pourquoi il n'appellera pas à voter pour Emmanuel Macron pour barrer la route à l'extrême droite, contrairement à ce qu'il a fait en 2002, au profit de Jacques Chirac.

Ce choix est grave pour notre démocratie. Il ne suffit pas en effet de battre Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle, il faut la battre à plate couture, réduire son score au minimum. Un FN à 41%, et a fortiori à 45%, changerait le climat politique dans notre pays. Ce score sans précédent libérerait la violence, d'abord verbale et symbolique, puis physique. On l'a vu aux Etats-Unis après la victoire de Donald Trump.

J'espère que Jean-Luc Mélenchon se souviendra de qui il fut et d'où il vient, et qu'il jettera tout son poids, sans ambiguïté, dans la bataille contre l'extrême droite xénophobe, nationaliste, autoritaire et racisteMélenchon n'appellera pas à voter Macron pour garder pour lui ses millions d'électeurs populistes